« L’intelligence artificielle est un mouvement de fond, et nous n’allons pas voir de véritables impacts dans notre industrie en 2019 ».
Euh… je pense que j’avais tort. C’était une prédiction sur le marketing digital à la fin de l’année dernière. J’étais convaincu que le potentiel de disruption de la blockchain, grâce à la visibilité du Bitcoin, était plus important que l’intelligence artificielle qui allait juste continuer à se développer au sein des départements de Recherche et Développement chez les mastodontes de l’informatiques : Google, Facebook, IBM, Microsoft, Alibaba, Baidu et peut-être Amazon. Et cela sans vraiment pointer son nez dans notre quotidien.
En réalité, l’intelligence artificielle n’existe pas de façon isolée et dans les coulisses. Elle s’applique à des sujets bien réels et a déjà un impact sur la façon de travailler dans le marketing digital de plein de façons différentes. L’IA est également présente depuis très longtemps sous la forme de « machine learning » dans les algorithmes des moteurs de recherche et réseaux sociaux.
Les rôles recherchés aujourd’hui
Dans son récent livre « Digital Marketing in an AI World », Frederick Vallaeys décrit 3 rôles qu’il voit se consolider au milieu de cette reconstruction d’organisations qu’il considère par ailleurs un challenge majeur pour les agences aujourd’hui et une question de survie pour eux.
Le premier rôle, qu’il décrit, est dénommé le « Docteur ». C’est une personne capable de diagnostiquer le « patient » car elle comprend de façon intime tous les mécanismes de l’organisme qu’elle étudie. Elle a également cette capacité d’explication et de partage d’information qui permet au patient d’adopter la bonne solution. J’aime bien la description de ce rôle de « Docteur », bien qu’il faille faire attention à ne pas pousser plus loin la métaphore de « patient » – en effet, il ne convient pas aujourd’hui de considérer les annonceurs ni les directeurs marketing comme de gens malades ????
Le deuxième rôle est celui du « Pilote » – je pense que tout marketeur digital comprend ce rôle de pilotage de campagne qui consiste à mettre en œuvre, suivre et orienter les campagnes pour leur fonctionnement optimal. Le parallèle va plus loin, comme il décrit le rôle des pilotes de ligne qui sur un vol régulier pilotent vraiment pendant environ 8 minutes. Le reste du temps c’est l’autopilote – ou l’intelligence artificielle qui manœuvre l’avion. Le pilote est ainsi celui qui active et désactive, fait des corrections et met l’accent de façon plus au moins intensive sur les différentes parties de campagnes.
Le dernier rôle que décrit Frederick est celui du « Teacher » – je pense que la bonne traduction dans notre cas est « Formateur ». C’est la personne qui choisit les dimensions de données qui vont alimenter les algorithmes de machine learning pour qu’ils disposent des données essentielles pour faire les bonnes prédictions et optimisations de campagne. Pour toute intelligence artificielle, il y a besoin d’entrainement sur des jeux de données pertinents avant de pouvoir l’utiliser. C’est donc au formateur d’entrainer l’intelligence artificielle pour qu’elle puisse être aussi efficace que possible. Ce rôle est essentiel et ne peut fonctionner sans une interaction avec le « Docteur » qui va avoir une compréhension plus fine des leviers de données importants pour le business de l’annonceur.
Les agences de marketing digital sont en mutation
En 2018, nous avons fait une étude des meilleures équipes SEA (Search Engine Advertising) dans le monde. Il s’agissait surtout d’agences et leurs provenances étaient européenne, britannique et américaine. C’étaient exclusivement des équipes shortlistées dans les European, UK et US Search Awards car nous voulions comprendre comment travaillent les meilleures équipes. Nous avions établi un partenariat avec l’organisateur de ces évènements, Don’t Panic, et j’étais moi-même membre du jury sur les concours en question. Après avoir analysé plus de 100 études de cas, avoir interviewé 9 spécialistes internationaux du référencement payant et après avoir fait participer une vingtaine d’équipe à un sondage de presque 100 questions, nous avons pu analyser ce que font les meilleures équipes aujourd’hui.
Et ce sont justement dans les domaines d’automatisation, d’utilisation d’intelligence artificielle et de processus de travail que les résultats sont remarquables.
Automatisation
27% des équipes sondées « Automatisent tout ce qu’ils peuvent » et elles sont encore 45% à construire un système d’automatisation basée sur des outils externes et internes.
Source : « Major Trends in Paid Search », Innovell 2018
Intelligence artificielle
La plupart des représentations de l’intelligence artificielle que nous croisons aujourd’hui appartiennent à la catégorie de « machine learning ». Ce ne sont pas des systèmes proprement intelligents, sinon des systèmes algorithmiques, capable d’apprendre à une vitesse très accélérée et de construire des modèles de prévision. Ces systèmes sont supérieurs au fonctionnement de l’humain et ont comme défaut d’être incapable de s’expliquer.
Les équipes sondées considèrent qu’environ la moitié de leur processus de travail est basée sur des solutions d’intelligence artificielle ou machine learning. L’IA est très présente dans l’esprit des répondants.
Un exemple concret qui illustre le changement d’organisation des meilleures équipes est centré sur la question d’interprétation de données. Nous avons sondé l’utilisation d’un rôle dédié de Data Analyst par les équipes. Ce rôle n’existait pas véritablement il y a quelques années et nous pouvons constater que 59% de répondants en ont mis en place aujourd’hui.
L’évolution de l’organisation du travail
Il paraît ainsi clair que les organisations de marketing digital sont en évolution et qu’il s’agit d’un mouvement de fond. Concrètement, cela veut dire que les postes évoluent en permanence au sein des agences et départements digitaux, mais pas forcément de la façon dont on s’imagine. Ce n’est pas aussi simple que « moins d’infographistes et plus de data analysts », sinon des mises à jours de compétences et des changements plus fréquents de rôles.
Et les emplois futurs ?
Les rôles décrits par Frederick dans son livre ne sont pas aujourd’hui des fonctions d’entreprises bien qu’un Docteur puisse ressembler à un Directeur conseil et un Pilote à un Chef de projet. Ce sont les compétences sous-jacentes qui sont importantes. Comme il dit : « si vous exercez ce type de fonction dans une entreprise, vous n’avez rien à craindre de l’arrivée de l’intelligence artificielle ». Si en revanche, votre fiche de poste est très détaillée et vos processus de travail clairement défini et ne font appel ni à de la créativité ni à des choix complexes, alors votre poste est peut-être précaire et pourrait être remplacé par un processus plus rapide et plus efficace que vous, vous permettant d’évoluer vers des métiers à plus forte valeur ajouté.
Attention, les robots arrivent – mais ils ne sont pas très intelligents, juste très rapides et infatigables ???? Et pour nous les humains, ce sont juste des outils surpuissants qui nous forcent à nous redéfinir et évoluer en permanence.
Il n’est quand même pas si catastrophique, le futur !
Aymeric Inpong
“Article très pertinent! Aymeric Inpong”