Publié aux éditions B42, « Aaron Swartz : celui qui pourrait changer le monde » est un livre hommage à la pensée et à l’œuvre d’un programmeur informatique de génie. Connu pour ses actions et écrits engagés en faveur de la culture libre, Aaron Swartz s’est malheureusement révélé au grand public à la suite de son suicide en janvier 2013. Il avait 26 ans. Ses articles, extraits de conférences, interviews, manifestes… sont aujourd’hui publiés en français. Attention, l’informatique est politique.
Du développeur génial au défenseur gênant
Aaron Swartz (1986-2013), programmeur informatique, essayiste et hacker-activiste, défenseur acharné du libre savoir, met fin à ses jours en janvier 2013 à New York, deux ans après son arrestation par le FBI pour avoir téléchargé illégalement des documents scientifiques appartenant au MIT, un mois tout juste avant le début de son procès. Il a 26 ans.
Convaincu que l’accès à la connaissance constitue le meilleur outil d’émancipation et de justice, il consacre sa vie à la défense de la « culture libre ». Il joue notamment un rôle décisif dans la création de Reddit, des flux RSS, dans le développement des licences Creative Commons ou encore lors des manifestations contre le projet de loi SOPA (Stop Online Piracy Act), qui visait à restreindre les libertés sur Internet. Au fil de ses différents combats, il rédige une impressionnante quantité d’articles, de textes de conférences et de pamphlets politiques, dont une partie est rassemblée dans cet ouvrage. L’adolescent, déjà brillant, laisse progressivement place à l’adulte, toujours plus engagé, se prononçant sur des sujets aussi variés que la politique, l’informatique, la culture ou l’éducation, et annonçant nombre de questions débattues aujourd’hui. Tiraillé entre ses idéaux et les lois relatives à la propriété intellectuelle aux États-Unis, harcelé par le FBI à la suite d’un procès intenté à son encontre, Aaron Swartz se suicide à quelques semaines de son procès.
La rencontre décisive
Son ami et mentor, Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard et candidat aux primaires démocrates pour l’élection présidentielle américaine de 2016, signe l’introduction de cet ouvrage.
Ce juriste, professeur à Harvard, militant du libre, cofondateur de la licence Creative Commons et candidat démocrate à la dernière présidentielle américaine, était très proche d’Aaron Swartz, qu’il a connu dès ses 13 ans. « Je l’ai rencontré quand c’était encore un gamin un peu enrobé, qui se rendait aux conférences tech avec ses parents. Il s’asseyait au premier rang et posait les questions les plus intelligentes de toute la salle. Il attaquait assez agressivement tout ce que je disais et j’appréciais cette défiance de la part d’un enfant », confie ce dernier.
Au début de leur relation, le juriste était comme un professeur pour Aaron, « mais à la fin, c’était lui mon mentor et moi son élève… » Une relation très forte que Lawrence Lessig présente avec beaucoup d’humilité dans la préface du livre.
Les deux hommes ont notamment travaillé sur la création des licences Creative Commons. « À l’époque, il avait cette belle naïveté de penser qu’il suffisait d’enclencher des choses pour que la société se répare toute seule », raconte Lessig.
Une liberté perdue à défendre celle des autres
Mais son obsession pour la libre diffusion de tous les savoirs finira par le rattraper. En 2011, le FBI l’arrête pour téléchargement illégal de documents scientifiques appartenant au MIT. Le jeune homme risque 35 ans de prison, avec une possibilité de réduction de peine à condition de reconnaître le crime dont on l’accuse. Impensable pour Aaron. Il comprend qu’il a perdu sa propre liberté en défendant celle des autres, et se suicide en 2013, à 26 ans seulement.
Sa pensée enfin libre, en livre
Le livre divisé en sections présente avant chacune d’elles une éclairante analyse par l’un des proches collaborateurs d’Aaron Swartz dont l’auteur de science-fiction Cory Doctorow, l’éditorialiste de Slate David Auerbach et David Segal, avec qui Swartz a cofondé l’organisation militante Demand Progress.
Traduit de l’anglais par Amarante Szidon et Marie-Mathilde Bortolotti, cet ouvrage est publié avec le soutien du Centre National du Livre et de la région Île-de-France.
« Aaron Swartz : celui qui pourrait changer le monde » aux éditions B42, 392 pages, 23€
Extraits
Aaron Swartz, à 17 ans.
« À chaque fois que des lois de monopole intellectuel sont élargies, nous ôtons inévitablement leurs droits d’expression aux individus. Si la copie mot pour mot est illégale, alors on peut théoriquement être poursuivi pour avoir cité Martin Luther King. (…) Au final, à mon avis, le piratage aura gain de cause, mais quelle que soit l’issue de cette affaire, les dommages collatéraux infligés à nos libertés, à nos ordinateurs et aux prochaines générations seront énormes. »
Entretien publié le 23 janvier 2004 sur le blog Waffle, quand Aaron Swartz avait 17 ans (à découvrir en intégralité dans le livre)
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Aaron Swartz, à 19 ans.
« Il existe une norme sociale qui veut que le temps que l’on passe à discuter d’une chose devrait être plus ou moins proportionnel à son importance. On peut imprimer des montagnes de documents sur des problèmes de relations internationales, mais passer deux e-mails à discuter de ponctuation semblerait extrêmement étrange. Il y a juste un problème : j’aime beaucoup les discussions approfondies sur la ponctuation et autres trivialités de ce genre. (…) Quelle est cette pulsion qui me pousse à interroger la ponctuation ? C’est la tendance à ne pas simplement accepter les choses telles qu’elles sont, mais à vouloir les penser, les comprendre. Ne pas se satisfaire de se sentir simplement triste, mais se demander ce que signifie la tristesse. Ne pas seulement acheter une carte de bus, mais réfléchir aux raisons économiques qui font qu’acheter une carte de bus a un sens. J’appelle cette tendance “la tendance intellectuelle”. (…) Les vrais intellectuels, au sens où je l’entends du moins (…) rien ne leur tient plus à coeur que d’expliquer leurs idées, afin que ceux qui s’y intéressent puissent les comprendre. S’ils peuvent sembler prétentieux, c’est simplement parce que discuter de ce genre de choses n’est pas normal. »
Extrait de l’article « Ce que veut dire être un intellectuel », publié sur le blog d’Aaron Swartz le 17 avril 2006.
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Aaron Swartz à 21 ans :
« Vous tous, qui pouvez accéder aux ressources – étudiants, bibliothécaires, scientifiques -, dites-vous que l’on vous a accordé une forme suprême de privilège. (…) Mais vous ne devez pas – et moralement, vous ne pouvez pas – garder ce privilège pour vous seul. Votre devoir est de le partager avec le reste du monde. (…) Il nous faut nous emparer du savoir, où qu’il soit, effectuer des copies et les partager avec le reste du monde. »
Extrait du « Manifeste pour une guérilla en faveur du libre accès », publié en juillet 2008.
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Aaron Swartz, à 24 ans.
« En théorie, l’homme politique idéal devrait être une sorte d’homme d’État désintéressé. (…) Mais un tel individu ne peut exister que dans un monde où ne règne pas le conflit. Légiférer serait une affaire simple si elle n’était pas traversée par de profondes querelles politiques. Mais dans la plupart des collectivités américaines contemporaines, une telle situation relève de la pure imagination. Riches et pauvres, entreprises et syndicats, gauche et droite y coexistent. Leurs revendications sont sérieuses – et typiquement inconciliables. Aucun élu ne peut honnêtement se faire le porte-parole de leurs intérêts communs, tout simplement parce que sur les questions majeures d’intérêt public, il n’existe pas d’intérêt commun. »
« Telles sont les instructions de Keynes pour une économie prospère : des taux d’intérêt faibles, un gouvernement qui investit, et de l’argent redistribué aux pauvres. Et pendant un temps (…) c’est plus ou moins ce que nous avons fait. Les résultats furent merveilleux : l’économie connut une forte croissance, l’inégalité diminua, tout le monde avait du travail. Mais à partir des années 1970, les riches organisèrent une contre-attaque. Ils n’aimaient pas voir l’inégalité – et leur fortune – fondre comme neige au soleil. Il y eut alors une résurgence de la théorie économique classique (…). L’économie s’effondra, les inégalités montèrent en flèche, et les choses ne furent plus jamais les mêmes depuis. (…) Une fois encore, Keynes nous fournit des instructions sur la manière de nous en sortir. La question est de savoir si nous allons les suivre. »
Extrait d’une conférence intitulée « Les rouages du Congrès », donnée à Harvard au printemps 2011.
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